Le gouvernement fédéral dirigé par Elio Di Rupo serait-il d’ores et déjà à feu et à sang ? À l’approche des élections, les partis de la majorité parlementaire, plutôt que de débroussailler le terrain en amont, préfèrent à l’évidence s’échanger toutes sortes de quolibets et de qualificatifs peu flatteurs, s’accusant réciproquement de gaspillage financier, de promesses en l’air, d’amateurisme, voire de clientélisme.
Alors que les états-majors peaufinent leur programme fiscal sous la pression de formations extrémistes en phase ascendante, les toquades amicales et esclaffements à gorge déployée ont en effet laissé place aux zones de turbulences préélectorales. Chacun garde à l’esprit que prendre la tête d’un État impécunieux et vulnérable n’a rien d’une sinécure. Alors, fatalement, dans pareil cas, quand on abandonne les décisions périphériques pour s’atteler au strictement structurant, les esprits ont tendance à s’échauffer et les langues, à se délier.
Tirs groupés
Très tôt, le MR a subi les foudres de ses partenaires de coalition. Son programme fiscal, unanimement jugé mal chiffré et irréaliste, a polarisé les attentions et fait l’objet des pires critiques. Même l’actuel ministre des Finances y est allé de sa petite saillie verbale. Pour le CD&V Koen Geens, ces 10,5 milliards d’euros seraient en effet tout bonnement « impayables ». Et le PS n’est évidemment pas en reste. Aussi, la vice-première ministre Laurette Onkelinx n’y va pas avec le dos de la cuillère. Selon elle, le parti libéral occulterait sournoisement ses véritables desseins, à savoir une offensive en règle contre la sécurité sociale et la fonction publique, pourtant déjà largement rationalisée.
Les socialistes ne sont pas plus à la fête. Le Boulevard de l’Empereur voudrait mettre à contribution le capital et intensifier la lutte contre la fraude fiscale. Sans surprise, le MR a accueilli très froidement les propositions du PS, accusé de « sacrifier la classe moyenne ». Le cdH s’est quant à lui montré dubitatif, tandis que les formations flamandes craignent toutes un éventuel impôt sur la fortune. Même Bruno Tobback, le président du sp.a, pourtant peu suspecté de complaisance à l’endroit des plus riches, a exprimé ses réserves. Quid alors de la N-VA ? Comme à l’accoutumée, les indépendantistes ont caricaturé sans le moindre scrupule le modèle socialiste : « plus d’impôts », « tsunami fiscal » et « mort lente du système social ». Enfin, Alexander De Croo juge « bizarre » la volonté d’appliquer « les mesures Hollande » en Belgique. « Ce n’est pas en taxant qu’on va créer des emplois », estime le libéral flamand.
La N-VA sur du velours ?
Alors que les partis organisent la riposte et se mettent tous en ordre de bataille, ces bisbilles fiscales et invectives à peine voilées pourraient faire le miel de la N-VA et envenimer la campagne jusqu’au point de non-retour. Le contrecoup direct et inévitable de cette guerre ouverte induirait alors un gouvernement fédéral sens dessus dessous et des séparatistes plus que jamais à l’affût. Une stratégie, si pas contre-productive, au moins hautement hasardeuse.
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