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Le Blog de Jonathan Fanara

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« Zombie » : la mort en héritage

Publié par Jonathan Fanara sur 29 Juillet 2017, 05:53am

Catégories : #Cinéma

« Zombie » : la mort en héritage

Avec sa désormais célèbre Saga des zombies, inaugurée par une audacieuse Nuit des morts-vivants, George Romero n'a pas seulement révolutionné le film d'épouvante, il a également ouvert une brèche énorme dans la culture populaire, dont ont profité, parmi tant d'autres, The Walking Dead, Resident Evil ou encore World War Z. L'héritage du réalisateur et scénariste américain demeure fameux : un cadavre ambulant, en lambeaux, dénué d'intelligence, mû par des pulsions primaires, affamé de chair et de sang. C'est sans doute dans Zombie que ce monstre moderne, issu de la culture haïtienne, trouve son plus bel écrin. Désormais débarrassé de toute tradition folklorique, il réinvestit un cinéma d'horreur au sein duquel Sidney Furie et Ed Wood l'avaient déjà timidement introduit.

 

C'est par une brutale et sanguinaire descente de police que Zombie s'ouvre véritablement aux spectateurs. George Romero choisit de placer sa caméra dans un immeuble infesté par les morts-vivants, où semblent régner la relégation sociale, mais surtout un communautarisme typiquement états-unien, puisque Noirs et Hispaniques se partagent exclusivement les lieux. Cette séquence d'exposition engendre un autre constat, plus institutionnel encore : ultraviolentes et dépourvues de scrupules, les forces de l'ordre ne se contentent pas de repousser et annihiler la menace zombie, elles prennent aussi pour cibles les résidents immigrés, avec un racisme qui n'a rien de parcimonieux. Morsures diverses, têtes explosées, chairs amputées, tout le gore zombiesque est déjà à l'oeuvre, même si c'est plus tard, lorsque les quatre protagonistes principaux iront se réfugier dans un centre commercial barricadé, que le film va révéler ses plus beaux atours.

 

Quelque part entre Disneyland et Zombieland

 

George Romero travaille ingénieusement l'espace. Très vite, le spectateur se voit confronté à un huis clos où chaque lieu revêt une dimension nouvelle : les couloirs du centre commercial où se massent des cohortes de morts-vivants, l'étage supérieur où se retranchent secrètement les héros, les escaliers transformés en passage clandestin, les magasins fournissant aux survivants de quoi subsister, lutter et se protéger... Mais l'essentiel de Zombie se trouve sans doute ailleurs, dans une charge contre la société de consommation bien plus violente qu'il n'y paraît. On y découvre des hordes zombifiées se ruant aux portes d'un centre commercial en raison d'un automatisme irrépressible, sorte de vestige d'une vie ancienne. On y aperçoit toutes les gradations des pulsions consuméristes, exprimées librement et avec une légèreté terriblement « oxymorique ». On y visite des boutiques et établissements de toutes sortes, devenus de véritables cours de récréation pour adultes en proie à l'apocalypse : jeux d'arcade, stands de tirs improvisés, nouvelles affectations pour les mannequins, vols d'argent et de marchandises... Cela sans même compter ces pillards qui, en bons chiens de meute, viennent concurrencer des zombies avec qui ils partagent tant : absence de surmoi, pulsions inextinguibles, volonté à peine consciente de faire le mal.

 

Pas à pas, George Romero abaisse ses personnages au rang de cadavres animés. Les pré-décomposés et les post-vivants – selon une terminologie empruntée à l'écrivain américain Chuck Palahniuk – en viennent à mesurer pareillement toute chose, c'est-à-dire à l'échelle exclusive de la consommation. De chair pour les zombies, de biens matériels pour les gens ordinaires. « Cet endroit est une vraie mine d'or », osera d'ailleurs l'un des protagonistes en découvrant le centre commercial, oubliant apparemment que son nouvel eldorado grouille en réalité de mâchoires hostiles et de corps en putréfaction. Même les mannequins présents aux quatre coins du complexe contribuent à la satire sociale : George Romero les emploie comme une hyperbole de l'homme privé de personnalité, dans une société de consommation où l'être est délibérément assujetti à l'avoir. L'horreur ne se réduit pas seulement à quelques visuels sanglants, elle jaillit également, plus métaphoriquement, d'une série de comportements inconséquents et d'interactions chaotiques.

 

 

Lire aussi :

 

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