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Le Blog de Jonathan Fanara

Le Blog de Jonathan Fanara


Le Plus : "Alien, le huitième passager" / Le Moins : "Interstellar" (#55)

Publié par Jonathan Fanara sur 14 Juin 2015, 08:45am

Catégories : #Cinéma

Le Plus/Le Moins est une chronique cinématographique hebdomadaire. Vous y découvrirez, toujours avec concision, le meilleur et le pire de mes (re)découvertes.

 

 

Et cette semaine…

 

Le Plus : Alien, le huitième passager (1979). Le calme avant la tempête. Quand la caméra s’engage posément dans les couloirs dédaléens du Nostromo, rien ne laisse présumer l’hécatombe à venir. Titan de métal et de technologies de pointe, à peine éclairé par quelques lumières artificielles, le remorqueur interstellaire abrite en son sein un équipage de gueules cassées, parmi lequel se singularise le lieutenant Ellen Ripley, forte tête campée avec talent par Sigourney Weaver. Contraint d’interrompre son expédition à la suite de signaux de détresse indéterminés, le vaisseau change de cap et s’oriente alors vers un planétoïde crépusculaire, où s’est échoué un mystérieux engin en forme de demi-cercle. Les sept missionnaires du Nostromo y découvrent des œufs étranges, colonisés par des parasites particulièrement agressifs… Sorte de croisement entre It! The Terror from Beyond Space et Dix petits nègres, Alien prend appui sur des décors étourdissants assaillis de créatures cauchemardesques, le tout épatamment conçu par le plasticien suisse Hans Ruedi Giger, oscarisé à la faveur d’effets visuels renversants. Flanqué d’un ton aussi envoûtant qu’asphyxiant, Ridley Scott met nos nerfs à rude épreuve, vouant aux conduits d’aération et aux zones d’ombre un monstre extraterrestre singulièrement vorace, guettant la moindre opportunité de tailler en pièces, voire en lambeaux, un équipage promis à l’agonie. Une mise à mort cosmique, méthodique et dantesque, fruit vicié de longs mois de tournage et de postproduction. Mue par un sens graphique saisissant, l’épopée macabre fait succéder aux plans iconiques une représentation pharaonesque de l’horreur, mise en scène au cordeau et avec fulgurance. Non content de galvaniser le genre fantastique, Ridley Scott met les petits plats dans les grands, incise l’espace, esquisse une mythologie complexe et codifie un effroi porté à des hauteurs insoupçonnées, faisant d’Alien un premier acte tétanisant et visionnaire, matérialisé à jamais par une double mâchoire dégoulinante, un sang acidifié et une interminable queue tourbillonnante. (9/10)

 

Le Moins : Interstellar (2014). Elle est loin l’époque où Christopher Nolan suait sang et eau pour boucler la distribution de Memento, mindfuck kaléidoscopique et ténébreux, soucieux de rendre aléatoires les concepts du temps et de la réalité, devenus taillables et corvéables à la faveur d’un montage sophistiqué. Auréolé d’une réputation flatteuse, le cinéaste britannique a su appâter les studios sans se compromettre, en pilotant des blockbusters cérébraux, très personnels et hantés par des obsessions tenaces – les distorsions temporelles, les illusions et faux-semblants, la culpabilité, la perte d’un être cher… Chez lui, le déferlement des moyens s’inféode à l’exigence du résultat, parfait compromis entre l’auteur et le faiseur, deux figures qui cohabitent sans se parasiter. Ardent défenseur de la pellicule, au même titre que Paul Thomas Anderson ou Quentin Tarantino, Christopher Nolan se refuse obstinément à recourir aux effets numériques, préférant anéantir un hôpital désaffecté ou faire virevolter un trois-tonnes plutôt que se plier aux fonds verts. Même Inception ne les emploie qu’à dose homéopathique, malgré une vaste mosaïque de plans renversants. Interstellar n’en aura été que plus attendu. Affublée de tous les superlatifs, comparée tour à tour à du Tarkovski, du Kubrick ou du Zemeckis, l’odyssée spatiale des frères Nolan, coscénaristes, a été l’objet de toutes les prophéties, souvent hasardeuses et, partant, rarement autoréalisatrices. Le métrage nous entraîne dans un futur privé de gadgets et de mirages, au cœur d’un monde en état de déliquescence, balayé par les tempêtes de poussières autant qu’il se voit menacé par la faim. Ancien ingénieur reconverti en exploitant agricole, Cooper y observe d’un œil médusé les crises écologique et alimentaire pousser l’humanité dans ses derniers retranchements, tandis que les ressources naturelles se raréfient dangereusement et que les troubles respiratoires foisonnent. Confronté à une existence désormais en sursis, il consent à contrecœur à s’engager dans une mission commanditée par la NASA, consistant à explorer des planètes potentiellement habitables, que les hommes pourraient à terme coloniser dans l’espoir de sauvegarder leur espèce. Une expédition qui implique une rupture familiale irréversible, douloureusement objectivée à coups de transmissions vidéo bouleversantes. Et puisque nous sommes chez Christopher Nolan, les deux cadres – le monde et l’espace – se verront joyeusement entremêlés par effet de montage, amplifiant le caractère feuilletonesque du récit, partagé entre des tableaux terrestres apocalyptiques, opérants mais relativement sommaires, et un accès aux univers nouveaux où l’hostilité physico-climatique fournit un prétexte commode aux plans iconiques, saisissants et mémorables. Plongeant ses racines dans les œuvres-clefs de la science-fiction, Interstellar alterne les longs tunnels explicatifs (avalisés par certains scientifiques, vilipendés par d’autres) et les money shots percutants, le tout dilué dans une trame à deux axes embrassant des thématiques aussi variées que le déchirement, la famille, la résilience, la perdition, l’espace-temps ou encore la déloyauté. Bordés de renversements de perspective et d’une composition à l’épure, les plans y font étalage de qualités esthétiques flagrantes, dont les meilleurs ambassadeurs se logent parmi les représentations expansives des tempêtes de sable, du monde glacé, des trous noirs ou encore des murs aquatiques, le tout magnifié par la photographie seyante d’Hoyte van Hoytema et par l’expertise du directeur artistique Nathan Crowley, fidèle lieutenant déjà en service sur la trilogie du Dark Knight. Avec un graphisme et une mise en scène au diapason de ses appétences, l’ambitieux Interstellar semble bien plus qu’une tambouille racoleuse archi-référencée : c’est une odyssée exigeante, au seuil de la désagrégation terrestre, hors de toute proportion humaine, portée par les compositions inspirées d’un Hans Zimmer en quête de renouveau, et appuyée par une distribution proprement rutilante – Matthew McConaughey, Anne Hathaway, Matt Damon, Michael Caine, Jessica Chastain, Casey Affleck, etc. Ses quelques (relatives) faiblesses se nichent quant à elles dans un script verbeux et parfois trop attendu, mis à mal par les limites du fameux fusil de Tchekhov, mais aussi par une propension à sacrifier les personnages secondaires, illustrée à merveille par la relation non explicitée entre le professeur John Brand et sa fille Amelia. Des bémols auxquels il convient d’annexer un dénouement bâclé et un crêpage de chignon superflu dans le monde glacé. Surtout, une fois réagencées et mises bout à bout, les deux arches narratives – la terre et l’espace – pèchent par défaut de substance, la pléiade de sujets traités ne l’étant trop souvent qu’à la surface. (7/10)

 

 

Lire aussi :

Le Plus : "Snake Eyes" / Le Moins : "Fury" (#54)

Le Plus : "Docteur Folamour" / Le Moins : "L’Arc" (#53)

Le Plus : "Point limite" / Le Moins : "Annabelle" (#52)

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